NB : Les opinions émises dans ce blog sont personnelles et celles-ci ne représentent pas le point de vue de mon employeur.
En droit international, la Déclaration universelle des droits de
l’homme (1948) est « dotée de la plus haute autorité morale » et
proclame comme « la plus haute aspiration de l’homme » la libération
« de la terreur et de la MISÈRE ». Elle dispose que « tous les êtres
humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » et qu’ils
« doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
Elle ajoute à son article 26 que « toute personne a droit à
l’éducation » et que « l’accès aux études supérieures doit être ouvert
en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite » et non en fonction
de la capacité de payer. Dans le même esprit, le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose à son
article 13 que :
« Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation (...) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité ».
En droit interne, la Charte des droits et libertés de la personne
précise dans son préambule « que tous les êtres humains sont égaux en
valeur et en dignité ». Elle dispose ensuite à son article 40 que :
« toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l’instruction publique gratuite ».
Le PRINCIPE est donc
que toute personne a droit à l’instruction publique gratuite.
L’exception est introduite par les termes « dans la mesure et suivant
les normes prévues par la loi ». L’imposition de frais de scolarité au
niveau universitaire est donc une EXCEPTION au droit à l’instruction
publique gratuite. Bien que l’exigence de frais de scolarité à
l’université comme exception au principe de gratuité puisse possiblement
se justifier, une hausse de ces frais, en revanche, contribue à nous
éloigner davantage du principe d’une égale accessibilité pour tous vers
lequel le Canada devrait tendre conformément au Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Par conséquent, il
appartient, selon nous, au gouvernement de justifier cette décision de
hausser les frais de scolarité en démontrant aux représentants des
associations étudiantes et à la population que cette solution est
nécessaire et qu’il n’existe aucune autre alternative de financement
viable moins attentatoire au principe d’accessibilité.
Bien que solidement ancré dans des instruments juridiques
internationaux et dans notre droit interne, le principe de la gratuité
scolaire au primaire, au secondaire et au collégial a des fondements
fragiles et une origine très récente. En effet, la démocratisation de
l’enseignement a été amorcée suite aux recommandations formulées en 1963
dans le rapport Parent. La Commission reconnaissait le « droit de
chacun à la meilleure éducation possible » et affirmait :
« Le droit de chacun à l’instruction, idée moderne, réclame que l’on dispense l’enseignement à tous (...) L’éducation n’est plus, comme autrefois, le privilège d’une élite. La gratuité scolaire s’impose pour généraliser l’enseignement (...) mais il faut convaincre chacun que les dépenses d’éducation sont un investissement économique et social ».
D’un privilège élitiste et aristocratique réservé aux mieux nantis et
à la classe opulente (une minorité), l’éducation postsecondaire s’est
démocratisée : au collégial par la gratuité scolaire et à l’université
par des frais de scolarité universitaires relativement bas et un
programme d’aide financière. Ce changement constitue un progrès et la
reconnaissance d’un droit à l’éducation représente un acquis social
aussi important que la reconnaissance d’un droit universel à la santé.
Or dans son rapport de 2002 (rapport Romanow), la Commission sur
l’avenir des soins de santé au Canada affirmait que :
« ce serait pervertir (...) les valeurs canadiennes que d’accepter un système où l’argent plutôt que le besoin détermine qui a accès aux soins de santé ».
Dans un même ordre d’idées, nous croyons que ce serait
également pervertir les valeurs canadiennes de solidarité et de
fraternité d’accepter un système où l’argent plutôt que le besoin
conditionne l’accès aux études universitaires.
Suite à la manifestation étudiante du 22 mars, les étudiants étaient
en droit de s’attendre à ce que le gouvernement s’assoie avec les
représentants des associations étudiantes pour entendre leurs griefs et
leurs revendications en vue de rechercher un compromis acceptable, une
solution mitoyenne entre leurs deux positions antagonistes. Or le parti
libéral ne semble pas ouvert à la discussion. On se serait pourtant
attendu du parti LIBÉRAL qu’il honore les principes d’une société libre
et démocratique en amorçant une véritable discussion avec les
représentants étudiants au sujet de la hausse des frais de scolarité.
Comme le rappelle Bertrand Russell, le principe d’une démocratie
libérale veut que les questions cowntroversées et d’intérêts publics
soient débattues et décidées sur la base d’arguments rationnels suite à
une discussion où tous les intéressés ont eu l’opportunité de faire
entendre leur voix. Il ajoute :
« The fundamental difference between the liberal and the illiberal outlook is that the former regards all questions as open to discussion and all opinions as open to a greater or less measure of doubt, while the latter holds in advance that certain opinions are absolutely unquestionable, and that no argument against them must be allowed to be heard ».
La décision arrêtée, finale et sans appel du gouvernement de hausser
les frais de scolarité sans avoir préalablement entamé un dialogue avec
les mouvements étudiants démontre, selon nous, une fermeture d’esprit
qui nous apparaît aller à l’encontre des principes libéraux constitutifs
de toute société libérale et qui forment, en principe, la base
idéologique du parti libéral. En effet, dans le document « Les valeurs
libérales et le Québec moderne », préfacé par Jean Charest, Claude Ryan
affirmait qu’être libéral c’est d’être accueillant aux idées différentes
des siennes et ouvert au dialogue (...)
***
Eric Folot
Avocat et bioéthicien
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